Par Yolaine Cellier
Kokyuho est un exercice qui s’effectue à deux en seiza, le plus souvent à la fin du cours d’aïkido. Si l’on ne veut pas en faire une épreuve de force, il s’agit d’essayer de comprendre le sens de cet exercice.
Kokyu signifie respirer (ko : expirer ; kyu : inspirer). Ho signifie la loi, la règle, mais aussi le procédé, la méthode. Il s’agit dont d’une « méthode de respiration » qui n’est pas très éloignée des exercices de respiration du début de cours et d’une manière générale des exercices de qigong qui font travailler la circulation de l’énergie.
Ce travail permet aussi et surtout d’apprendre à travailler avec le seika tanden, et non pas avec la tension des bras. Les bras servent de courroie de transmission, et non pas de source de puissance. Rien de bien différent en somme des autres formes de travail en aïkido, mais kokyuho reste un moment privilégié, car la position de départ, statique et apaisée, permet de recentrer le travail sur soi-même, tandis que le travail à deux permet de travailler sur le toucher, la sensation, l’espace et la relation à l’autre, ce que ne permettent pas les exercices de respiration seuls.
Il n’y a dans « circulation de l’énergie » rien d’ésotérique, mais quelque chose de bien concret : il s’agit d’apprendre à puiser sa puissance de l’appui qu’on prend au sol, de la transformer en énergie au niveau des hanches (la position en seiza permet d’avoir un contact presque direct du sol aux hanches, ce qui facilite l’exercice), et de la transmettre à uke par les bras. C’est exactement la même chose que l’on fait lorsqu’on lance un ballon vers le haut en sautant : toute l’énergie qui arrive jusqu’aux mains et qui projette le ballon vers le haut est issue de l’impulsion des pieds sur le sol qui est ensuite transmise à travers tout le corps par une extension de ce dernier. Kokyuho permet de travailler sur la sensation de cette énergie qui circule à travers le corps et de son effet direct sur uke.
L’idéal est d’allier cette énergie qui vient du sol à celle qui vient de l’air, donc la respiration. Le point de rencontre de ces deux énergies est le seika tanden (point de concentration de l’énergie qui se situe à environ trois doigts en dessous du nombril).
Uke de son côté doit veiller à être le miroir de ce que lui donne tori et à ne pas bloquer à son tour l’énergie qu’il ressent et qui le met en mouvement.
Kihon
Dans la position initiale, uke et tori sont tous les deux en seiza, leurs genoux ne doivent pas se toucher, mais être à une distance d’un poing environ. La position idéale est lorsque les bras d’uke et de tori ne sont ni tendus ni pliés, mais forment un arc de cercle à partir duquel le mouvement pourra naître. Inspirer de façon à sentir l’air aller le plus bas possible vers le ventre au niveau du seika tanden, sans lever les épaules ni gonfler le torse. On peut profiter de cette inspiration, qui correspond à un moment de moindre puissance, pour faire une légère absorption de la force exercée par uke.
Commencer par détendre le bassin (attention ! détendre ne signifie pas laisser s’écrouler !) de façon à relâcher progressivement l’énergie accumulée seika tanden, essayer de sentir cette énergie qui remonte le long de la colonne vertébrale. L’expiration se fait alors de manière lente et naturelle. Le flux d’énergie remonte le long des bras jusque dans la pointe des doigts, l’espace entre tori et uke se modifie et tend à s’agrandir comme un ballon qui se gonflerait. En même temps, il est important de veiller à ne pas lever son bassin, mais bien plutôt à le baisser vers le sol. C’est aussi de cet appui du sacrum vers le sol allié à la respiration que naît la force qui lève le centre de gravité de uke.
En présentant les mains avec la paume dirigée vers le haut, le simple fait de diriger les paumes vers le bas provoque une rotation des avants-bras qui a pour effet direct de lever tout le bras d’uke et notamment ses coudes vers le haut. Par ailleurs, lorsque les coudes de tori restent en bas, cette rotation des avants-bras permet de croiser le radius et le cubitus, ce qui leur donne beaucoup plus de solidité que lorsque les deux os sont parallèles comme dans la position initiale. On utilisera la même astuce technique pour certaines techniques d’aïkido comme ikkyo, shihonage, certaines kokyunage…
Il est important que les mains restent bien ouvertes pour faire circuler l’énergie. Une main fermée, un poignet cassé ou un coude plié sont autant de points de blocage de l’énergie.
Les mains de tori prennent la direction des aisselles d’uke qui de son côté reste très souple et réceptif aux actions de tori.
Uke bascule sur le dos en faisant attention à ne pas faire d’à-coups, tori le suit afin de garder toujours le contrôle (pas comme sur la photo !)
Immobilisation : il s’agit simplement de contrôler uke, avec le tranchant d’une main au niveau de son poignet, et l’autre au niveau de son épaule, sans pour autant appuyer. Les orteils sont relevés, un genou est au niveau du poignet, l’autre sous l’aisselle au niveau des côtes.
Uke a une jambe dans le prolongement de son corps, l’autre balancée par-dessus de manière à assouplir sa hanche. Au moment de la chute et de l’immobilisation/assouplissement, uke expire lentement et en profondeur.
A noter : Comme exercice de détente en fin de cours, on peut profiter de l’immobilisation pour aider uke dans son assouplissement de la hanche en exerçant d’une main une légère poussée sur la hanche qui est renversée et en maintenant délicatement le bras du même côté. Dans ces cas, comme dans tout exercice d’assouplissement lors de l’immobilisation, il est fondamental de respecter la souplesse d’uke, d’être à l’écoute de sa respiration et de respecter la limite qu’il donne en tapant au sol.
Pour le retour à la position de départ, nul n’est besoin de lâcher le contact des mains, mais uke doit rester dans un esprit d’attaquant, même dans un travail souple, et tori veille quant à lui à ne pas relâcher sa vigilance et son contrôle : à tout moment il doit pouvoir réagir à une éventuelle « traîtrise » de uke !
Remarque : Avec les débutants ou les enfants, un bon exercice de préparation est le sumo ! Les deux partenaires sont en seiza, et s’enlacent de manière à saisir la ceinture de l’autre. Au signal de départ « Hajime ! », chacun essaie de déséquilibrer l’autre. Ils utilisent alors la poussée des pieds sur le sol et accroissent la puissance du ventre. Lorsqu’on leur demande ensuite de faire la même chose en se tenant les poignets pour un exercice de kokyuho normal, ils ont le réflexe de puiser leur force du sol et du ventre sans se servir de la force musculaire des bras.
Armer le sabre
Comme dans toute technique d’aïkido, le travail des armes en général et du sabre en particulier permet de donner une structure de base fondamentale pour le travail.
La position de départ est sensiblement la même.
Tori rassemble ses mains comme s’il saisissait un bokken en gardant bien ses coudes vers le bas. Dans cet exercice, c’est ce mouvement des coudes vers le bas qui monte le centre d’uke.
Il arme exactement comme avec un bokken. Uke suit son mouvement et se retrouve naturellement porté vers le haut (comme le bokken !).
Puis avec le tranchant de ses mains, tori effectue une coupe en kesagiri d’un côté ou de l’autre au niveau du cou de uke…
… ce dernier pour se sauver le cou roule par terre et implore pardon.
Même immobilisation que précédemment.
Variation : saisie par le bas
Il vaut mieux ne pas se laisser saisir les poignets trop bas. Si c’est le cas, il est pratiquement impossible de tenter de relever uke vers le haut, sauf si uke est particulièrement complaisant.
Selon la règle d’or de l’aïkido « ne jamais contrarier son uke » et puisqu’il appuie vers le bas, poser carrément les mains sur les genoux.
Puis subrepticement, écarter un genoux vers l’extérieur, lorsque uke s’en aperçoit, il est déjà trop tard pour lui…
Tori se sert alors de l’autre main pour couper dans le creux du coude et créer ainsi un déséquilibre. Il est possible de travailler sur deux directions : sur le déséquilibre avant de uke (auquel cas tori écartera le genou vers l’arrière) ou sur son déséquilibre arrière ou de côté, comme sur la photo.
La coupe jusqu’au sol permet d’achever le déséquilibre.
L’immobilisation est moins agréable pour uke car elle détend moins la colonne vertébrale, mais après tout c’est lui qui l’aura cherché.